Si l’on pourrait logiquement croire que l’amour protège les femmes de la misogynie, les chiffres indiquent le contraire.

Une femme est tuée par son conjoint ou son ex-conjoint tous les trois jours (ce chiffre lancinant ne baisse toujours pas). En moyenne, 225 000 femmes âgées de 18 à 75 ans déclarent chaque année avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint. 70% des faits de violences volontaires commis sur une femme âgée de 20 à 50 ans est le fait de son partenaire ou ex-partenaire. 83 % des femmes victimes de viol ou de tentative de viol connaissaient leur agresseur au moment des faits, et dans 31% des cas, il s’agissait de leur conjoint (source : Ministère de l’intérieur). Enfin, selon l’OMS, plus de 35 % des femmes tuées dans le monde le seraient par leur partenaire.

S’il s’agit là des cas les plus « extrêmes » (et pourtant tristement ordinaires), le couple n’en demeure pas moins un lieu de reproduction des inégalités de genre. En effet, la sphère privée est le premier endroit où nous retranscrivons ce que nous avons appris dans la sphère publique : les normes et les rôles de genre, les stéréotypes sexués, l’opposition entre le masculin et le féminin. Le couple hétérosexuel étant basé sur le principe de l’altérité, il est facile – et tentant – d’exagérer les différences qui sont supposées séparer les femmes des hommes, et d’endosser le rôle de genre que la société nous a dévolu. Quitte à ce qu’il nous desserve.

Le sexisme ne s’arrête pas à la porte du couple : tel un insidieux poison, il s’infiltre dans les moindres recoins. Cela ne signifie pas que les hommes et les femmes ne peuvent pas s’aimer de manière sincère, ni que toutes les relations hétérosexuelles sont frappées du sceau de l’inégalité. Cela signifie simplement que les relations amoureuses, comme tout endroit qui réunit en son cœur les femmes et les hommes, sont des lieux « à risque » pour la reproduction des inégalités de genre.

Démonstration en quatre points.

ARTICLE DOMINATION PARTIE 3

L’injonction à être en couple : les femmes sont les premières cibles

Dans nos sociétés contemporaines, le couple est célébré, sanctifié, convoité. Il représente une sorte de Graal à atteindre, tout en s’imposant comme la configuration de vie « par défaut », comme si tous les êtres humains allaient forcément par paires. C’est aussi une valeur refuge. L’injonction « au couple » est donc particulièrement forte, même si l’on observe des variations selon les milieux sociaux. Mais les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à cette injonction. En effet, les femmes sont beaucoup plus incitées, et ce depuis leur plus jeune âge, à faire des relations amoureuses un but premier – quitte pour cela à sacrifier leur épanouissement personnel, et à mettre leurs aspirations en sourdine. L’ombre du Prince charmant plane au-dessus des têtes féminines comme le but ultime à atteindre, comme s’il était impossible d’être complète, « valable », sans un partenaire à ses côtés.

La figure de la femme célibataire est d’ailleurs régulièrement raillée : on la dépeint tour à tour comme une personne désespérée, disgracieuse et aigrie, une hystérique soumise aux tics-tacs incessants de son horloge biologique, une paumée sympathique et vaguement dysfonctionnelle. La femme non accompagnée est forcément anormale : quelque chose ne va pas chez elle, même lorsque son célibat est choisi et assumé. Elle ne peut pas ne pas vouloir être en couple. « Un jour, mon Prince viendra » : tout est résumé dans cette célèbre phrase. Les femmes sont dressées à attendre l’amour et à tout attendre de l’amour. A la source, l’idée – datée et sexiste – qu’une femme a nécessairement besoin d’un homme pour exister, pour être légitime en tant qu’être humain.

Les hommes subissent nettement moins cette pression à être en couple, même lorsqu’ils atteignent le « palier » fatidique de la trentaine. « C’est un électron libre », « Il ne veut pas se poser », « Il préfère enchaîner les conquêtes », « C’est quelqu’un d’indépendant, il n’a besoin de personne » : les hommes célibataires sont généralement regardés avec une tendresse amusée, quand ce n’est pas avec envie. On admire leur indépendance, leur vie (que l’on suppose) riche et mouvementée, leur liberté à toutes épreuves.

L’amour et le romantisme sont connotés « féminin », donc non viril. Vouloir être en couple, accorder de l’importance à sa relation, être romantique, ce sont des « trucs de fille ». Les hommes, eux, apprennent très tôt à être au-dessus de toutes ces contingences. Ils sont éduqués à faire preuve d’indépendance, à refouler leurs émotions, à ne pas s’attacher outre-mesure, mais aussi à voir le couple comme une sorte de prison dorée.

D’où la récurrence de comportements genrés dans les relations amoureuses, qui ne sont pas imputables à la biologie mais à l’éducation différenciée :

• Les hommes ont plus tendance à chercher des coups d’un soir, des plans cul, des relations légères, et à avoir peur de « l’engagement », tandis que les femmes ont plus tendance à chercher des relations sérieuses et à rêver de leur futur mariage (collectivement présenté comme « le plus beau jour de la vie d’une femme »)
• Les hommes ont moins tendance à faire preuve de romantisme et à prendre soin de leur couple, tandis que les femmes sont socialisées à veiller au maintien de la relation amoureuse, notamment par la prise en charge des besoins émotionnels de leur compagnon
• Les hommes ont plus tendance à tromper leur partenaire, encouragés par l’idée (fausse) que les hommes ont « des besoins » et que la fidélité n’est pas une valeur virile – mais aussi par la relative indulgence dont bénéficie l’infidélité masculine dans notre culture
• Les femmes ont plus tendance à accepter des comportements abusifs de la part de leur partenaire, car elles ont plus de pression à être en couple – et à le rester
• Dans la même veine, les femmes ont plus tendance à se contenter de ce qu’on veut bien leur donner (une miette d’attention, un demi-effort…) et à mettre leurs attentes au second plan

Un autre comportement genré consiste pour de nombreuses femmes à abandonner leur identité propre dès lors qu’elles se mettent en couple. Parce qu’elles ont intériorisé leur rôle de réceptacle passif de l’amour, elles se coulent dans cette entité nouvelle qu’est le couple pour ne plus faire qu’un avec elle. Dès lors, il ne sera plus question de « je » mais de « nous ».

Les sorties entre amies, les loisirs individuels, les éventuels projets d’avenir, tout ce qui constituait leur vie d’avant sera abandonné comme s’il s’agissait d’un bagage superflu« Je suis en couple, donc je ne peux plus mettre de jupe courte/sortir en boite de nuit/avoir des amis masculins/faire des choses seules/partir en week-end avec d’autres personnes que mon partenaire » : la liste de ce que les femmes en couple ne peuvent plus faire, en vertu d’une norme sociale implicite – et sexiste – est longue comme le bras. Elle se transmet en silence, triste emblème de la soumission volontaire.

Car les femmes intériorisent très tôt leur nécessaire dépendance à l’autre. C’est leur partenaire qui les définit en tant que personne, et doit dicter leur conduite présente et future.

 

La sexualité hétérosexuelle, un instrument de domination ?

La pénétration demeure le point d’orgue des relations sexuelles entre hommes et femmes. Sans elle, point de salut : elle définit de manière quasi-universelle ce qu’est un « véritable » rapport sexuel. Or, seulement 25% des femmes parviennent régulièrement à jouir par ce biais (50% jouissent « parfois » avec la pénétration, 20% ne jouissent jamais par ce biais et les 5% restants n’ont jamais d’orgasmes, quel que soit le moyen utilisé) (source : The Case of the Female Orgasm, Harvard University Press).

La réalité biologique est inéluctable : la pénétration, érigée comme mesure ultime de l’acte sexuel, apporte plus de plaisir aux hommes qu’aux femmes. Et si le clitoris – seul organe humain dédié exclusivement au plaisir, rappelons-le – commence à se tailler sa part du lion, il n’en demeure pas moins l’un des grands oubliés de la sexualité. Il y a donc, dès le départ, une inégalité dans la façon dont nous faisons l’amour. Et dont nous accédons au plaisir.

Mais cela n’est rien en comparaison des autres inégalités qui ont cours dans la sexualité hétérosexuelle. Viols conjugaux (voir les chiffres au début de l’article), coercition sexuelle, rapports sexuels qui tournent au rapport de forces avec des coups, des insultes, des pratiques non consenties, influence grandissante du porno mainstream qui promeut une vision déshumanisante du sexe, mais aussi des femmes, revenge porn, prévalence de la hookup culture

Avec, en point d’orgue, le risque toujours présent d’une grossesse non désirée. Ce sont bien les femmes qui sont le plus à risque en matière de sexualité, même lorsqu’elles pensent avoir des rapports avec une personne « de confiance ». La misogynie qui structure notre société se retrouve en effet jusque dans les relations les plus intimes. Faire l’amour, en dépit de ce que l’expression pourrait laisser imaginer, ne signifie pas toujours faire corps avec une personne qui vous respecte, et se soucie de votre consentement et de votre plaisir. Cet article du blog Antisexisme.net est à ce sujet très éclairant.

Questionnons également « l’attrait » de la soumission pour les femmes. Des quelques études qui ont été réalisées sur le BDSM (bondage, domination, soumission, sadomasochisme), il ressort qu’une majorité d’hommes (61%) affirment être exclusivement ou principalement dominants, tandis qu’une majorité de femmes se disent exclusivement ou principalement soumises (69%).

Un hasard ? Certainement pas. S’il est facile de refourguer ces chiffres sous le tapis de la préférence individuelle, il convient de s’interroger sur ce qui pousse les femmes à se complaire dans une position de soumission. Parce qu’elles ont intégré leur (supposée) infériorité sociale ? Parce qu’on leur a appris que le pouvoir n’est pas censé être un attribut féminin ? Parce qu’elles sont si habituées aux oppressions, aux diktats, à la sujétion, qu’il leur est difficile de ne pas reproduire ce modèle dans l’intimité de la chambre à coucher ? Cela peut paraître anodin, d’autant plus lorsque cette pratique est consentie, mais le fait que tant de femmes éprouvent de l’excitation à se faire traiter de « chienne » ou de « grosse salope » par leur partenaire durant les ébats dit bien quelque chose de notre société sexiste. Et si une femme peut elle aussi insulter son partenaire, ce schéma semble beaucoup plus rare – de toute façon, les insultes à connotation sexuelle à destination des hommes n’existent quasiment pas.

De là à dire que les inégalités de genre se reproduisent dans les chambres à coucher des individus, il n’y a qu’un pas que je m’autorise largement à franchir.

Enfin, la sexualité des femmes est encore et toujours utilisée pour les punir. Si elles sont vierges, ce sont des coincées. Si elles ont des rapports sexuels, ce sont des putes. Si elles sont violées, c’est forcément leur faute. Si elles tombent enceintes, elles l’ont bien cherché. Si elles souhaitent avorter, on tente parfois de les culpabiliser et de leur mettre des bâtons dans les roues. Bref, comme disent les Américains : you can’t win. Le sexe est tour à tour utilisé comme une mesure de rétribution, un vecteur de honte, et un instrument de domination.

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Partage des tâches, enfants et carrière

En France, selon une étude de 2016 de l’OCDE, 73% des tâches ménagères sont réalisées par les femmes. Ces tâches restent très genrées : les femmes sont 83% à trier le linge et faire la lessive contre 21% des hommes, 81% à repasser contre 20% des hommes, 78% à laver les sanitaires contre 22% des hommes. En outre, selon l’INSEE, 82% des femmes en couple déclarent s’occuper des courses, et 80% de la préparation des repas. Les hommes, eux, restent préposés au bricolage et au jardinage, activités forcément plus valorisantes qu’un récurage de toilettes ou un ramassage de chaussettes sales.

A cet égard, les chiffres sont édifiants : 43% des Français-e-s estiment qu’en général les hommes ont moins de dispositions naturelles que les femmes pour les tâches ménagères et 46% pensent que les hommes ont plus d’aptitudes pour le bricolage et les femmes pour les tâches ménagères (source : Enquête Ipsos-Ariel 2018)

De fait, la logistique du foyer repose encore majoritairement sur les femmes, qu’il s’agisse de faire la cuisine, de s’occuper des cadeaux de Noël ou de prendre les rendez-vous médicaux. C’est sur leurs épaules que repose la charge des enfants, quand il y en a (elles sont considérées par défaut comme le « parent principal »), mais aussi du conjoint.

Cette attente sociétale se retrouve d’ailleurs dans de nombreux éléments de langage du quotidien. Ne dit-on pas d’un homme qu’il « aide » sa femme lorsqu’il prépare à manger ou fait le ménage, tâches qui lui incombent pourtant de manière égale ? Ne s’émerveille-t-on pas des pères qui, le temps d’un après-midi, « prennent les enfants » pour les emmener au manège ou au cinéma, comme si le simple fait pour un homme de tenter une incursion sur un territoire socialement réservé au féminin relevait de l’impensable ? A côté de l’inégalité de répartition des tâches ménagères, les femmes demeurent victimes de l’injonction à prendre soin des autres, quitte à s’oublier elles-mêmes. Elles ne doivent pas seulement « tenir le foyer » : la charge émotionnelle leur incombe également. C’est à elles qu’il revient de consoler, rassurer, écouter, panser les plaies ; d’être serviables, aimables, prévenantes. On attend d’elles une humeur égale, un soutien sans failles, une attention de tous les instants.

Mais au-delà du prosaïsme de la vie quotidienne, c’est aussi la vie professionnelle des femmes qui souffre. C’est leur carrière qui est la plupart du temps mise en parenthèses, que ce soit pour s’occuper des enfants ou suivre le conjoint dans ses tribulations professionnelles. Le caractère genré de ce type de sacrifice s’explique très simplement : les femmes françaises sont 75% à gagner moins que leur partenaire, et leur salaire – tout comme leur vie professionnelle en général – reste souvent considéré comme accessoire. Ainsi, 55% des femmes s’arrêtent de travailler ou réduisent leur temps de travail au-delà de leur congé maternité à la naissance d’un enfant. Par contraste, seuls 12% des pères modifient leur temps de travail.

Avec des carrières en dents de scie voire des arrêts complets de leur vie professionnelle, se pose la question de la dépendance économique des femmes. Car le fait de dépendre d’une tierce personne pour subvenir à ses besoins constitue un danger évident (en plus de créer une dynamique de pouvoir inégalitaire dans la relation), d’autant plus lorsqu’on sait que 45% des mariages finissent par un divorce. Et que cela réduit considérablement la possibilité de quitter la relation en cas de problème. L’autonomie financière étant une forme de pouvoir, tout ce qui l’entame (congé parental prolongé, retrait temporaire ou définitif du marché du travail, recours au temps partiel, renoncement à sa carrière pour privilégier celle du conjoint…) doit être vu comme une menace pour l’égalité.

 

Réussir son couple : un poids sur les épaules des femmes

Impossible de ne pas être tombé-e au moins une fois sur l’un de ces articles au titre évocateur : « Comment garder un homme en 10 leçons », « Comment le rendre fou amoureux de vous » ou « Comment faire durer son couple ».

C’est un fait que la charge du maintien de la relation de couple repose presque exclusivement sur les femmes. Et pour cause : c’est elles qui sont censées désirer l’amour romantique, et sa pérennité. Elles sont en tout cas éduquées dans ce sens.
C’est elles, aussi, qui sont bombarbées d’injonctions contradictoires, de conseils relationnels plus ou moins foireux, d’articles sur ce que veulent les hommes, ce que préfèrent les hommes, comment pensent les hommes, elles encore qui sont sommées de ne pas « dévoiler leurs sentiments trop vite », « d’attendre avant de coucher pour la première fois », de ne pas « se montrer trop exigeantes », d’entretenir la flamme avec « des petits plats faits maisons et des tenues sexy », de faire des « concessions » dans leur couple, de se montrer « conciliante et agréable », de « prendre sur elles », de ne pas trop « écraser l’autre ».

Les hommes sont présentés comme un peuple étrange et résolument différent ; leurs us et coutumes représentent un sujet d’étude sans fin pour la presse féminine qui contribue à légitimer cette idée d’un fossé infranchissable entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’amour. Ainsi, pour atteindre ce qu’on leur présente depuis toujours comme le Graal – une relation de couple sérieuse et exclusive – les femmes sont enjointes à modeler leur comportement en fonction de ce qu’attendent les hommes. Elles sont sommées de cacher honteusement leurs véritables attentes, d’user de stratégies diverses et variées, de faire semblant d’être quelqu’un d’autre, de se couler silencieusement dans le moule de la fille cool, toujours prête à tailler des pipes et à cuisiner de petits plats pour son mec avec le sourire. Inutile de souligner que ces parades et ce camouflage incessants, ce travail émotionnel pour devenir non pas la meilleure version de soi-même mais l’avatar d’une femme factice, avec en ligne de mire le reniement de ses convictions profondes, sont un frein à l’épanouissement personnel.

Et pendant ce temps-là, les hommes peuvent rester avachis dans le canapé en vieux jogging, une canette de bière à la main : tout le monde se fout bien de leur potentielle désirabilité, de ce qu’ils peuvent apporter de positif dans leur couple et de la façon dont ils pourraient, eux, s’améliorer.

Il me reste encore à trouver un seul article où l’on conseille aux hommes de prendre soin de leur partenaire et de bichonner leur ego, de rester désirable et attirant en s’épilant les poils des couilles, d’être prévenant, agréable et à l’écoute, de faire des compromis, de ne pas se montrer trop exigeant, d’entretenir la flamme en organisant des dîners aux chandelles et des voyages en amoureux, en testant de nouvelles positions et en achetant des caleçons sexy. Entre autres.

L’homme en tant que référent universel est érigé en baromètre du couple, la réussite de celui-ci étant mesurée à l’aune de sa propre satisfaction. Se sent-il épanoui dans sa relation ? Ses besoins sexuels sont-ils assouvis ? Est-il suffisamment stimulé par sa compagne pour ne pas avoir envie d’aller voir ailleurs ? Cette préoccupation unilatérale pour la satisfaction de l’homme créé une asymétrie de pouvoir dans la relation, en plaçant l’homme comme unique décisionnaire du couple tandis que la femme reste désespérément soumise aux variations de ses humeurs. Ses émotions, ses états d’âme, ses frustrations potentielles sont superbement ignorées. Madame doit donner envie, mais personne ne s’inquiète de savoir si Madame elle-même mouille encore.

On retrouve d’ailleurs ce biais sexiste lorsqu’un homme marié ou en couple commet une infidélité. Au lieu de blâmer le principal coupable (l’homme infidèle), la société préfère culpabiliser sa conjointe en pointant du doigt ce qu’elle n’a pas fait correctement. Si son homme est allé voir ailleurs, c’est parce qu’elle ne lui accordait pas suffisamment d’attention / se montrait trop castratrice / ne mettait pas assez de culottes en dentelles / consacrait trop de temps à sa carrière / se laissait aller physiquement / ne faisait pas assez d’efforts pour entretenir le désir (la liste des potentiels manquements est bien entendu non exhaustive…).

Comme si les relations amoureuses étaient un jeu vidéo dans lequel le personnage féminin devait marquer le maximum de points, sous peine de voir son partenaire lui échapper à jamais. Comme si les histoires d’amour n’étaient pas le fait de deux personnes, mais d’une seule – celle qui possède un sexe féminin.

 

Conclusion

Au travers de ces exemples non exhaustifs, on constate donc que les relations amoureuses entre les femmes et les hommes ne sont pas épargnées par le système patriarcal.

Le couple, loin d’être un rempart aux oppressions sexistes, peut ainsi se révéler un véritable catalyseur d’inégalités. C’est souvent au cœur de cet endroit intime que les femmes performent, puis « confirment » le rôle qui leur a été assigné, celui d’une ménagère, d’une citoyenne de l’ombre, d’un deuxième sexe.

Sans parler des cas les plus extrêmes (violences physiques et mentales, mise sous dépendance…), le couple est aussi l’un des lieux où les femmes apprennent la docilité, en pensant parfois faire de simples concessions. Un lieu où elles apprennent à parfaire leur rôle de femme, rôle socialement et culturellement construit mais dont les conséquences ne sont pas moins réelles. Un lieu qui exacerbe les spécificités du genre, et qui met en exergue, peut-être plus qu’aucun autre, les contrastes artificiels entre féminin et masculin.

C’est aussi dans le couple que de nombreuses femmes expérimentent pour la première fois l’inégalité. Parce qu’elles se retrouvent à prendre en charge la quasi-totalité des tâches ménagères. Parce qu’elles sont celles dont la carrière et les aspirations passent en second. Parce qu’elles ont moins de pouvoir économique – et donc moins de pouvoir de décision – que leur conjoint. Parce que leur « rôle » finit par les rattraper, un jour ou l’autre, et que la pression sociale les exhorte à s’en emparer sans faire de bruit.

Quelle solution, alors ? Avoir conscience de ses propres biais et stéréotypes sexistes est un commencement. On peut – et on doit – faire l’effort de combattre ses automatismes, de repousser ses réflexes, d’harmoniser les rôles. Bien choisir son partenaire semble également important. Avant de s’engager sur le chemin cahoteux de la vie avec un partenaire potentiel, il faut s’assurer que nos idées, nos aspirations, nos attentes concordent. La communication – mais aussi l’observation – sont la clé. Et sans vouloir faire la promotion des hommes féministes (ils restent rares, il n’y en aura donc pas pour tout le monde) : ne sont-ils pas censés être de meilleurs partenaires ? A bon entendeur !