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Comment l’industrie de la minceur prend les femmes pour des connes

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Illustration : Cécile Dormeau ©

 

Alors que 70% des femmes françaises aimeraient perdre du poids (le chiffre est de 58% chez les femmes ayant un poids « normal »), le marché de la minceur ne cesse, lui, de grossir : en 2018, il pesait 4 milliards d’euros.

Il faut dire que les injonctions à la beauté, mais aussi les magazines féminins et leurs comptes à rebours anxiogènes à chaque retour de printemps (« Plus que 3 mois avant l’épreuve du maillot ! », « Les meilleurs régimes avant l’été« …) sont pour les femmes une véritable machine à complexes.

A tel point qu’enfiler un maillot de bain pour aller à la plage, activité tout ce qu’il y a de plus agréable a priori, devient sous la plume des journalistes une « épreuve » qu’il convient de « redouter », et à laquelle il faut « se préparer » longuement.

L’industrie de la beauté, et plus particulièrement le marché de la minceur ne veut pas vous voir épanouie : il vous veut complexée, mal dans votre peau, persuadée que vos quelques kilos en trop et vos bras « pas assez fermes » vous empêchent de mener une vie meilleure.

Soins minceur en institut, cryothérapie, compléments alimentaires, salles de sport, cours de fitness, coaching en rééquilibrage alimentaire, crèmes « amincissantes », produits coupe-faim, yaourts prétendument allégés… Le marché de la minceur n’a jamais été aussi diversifié. S’il n’y a rien de mal à s’inscrire dans une salle de sport ou à vouloir manger plus sainement pour perdre du poids (au contraire), l’immense majorité des produits lancés sur le marché de la minceur n’ont pas d’autre vocation que de vous prendre… pour des pigeonnes. Et de se nourrir, goulûment, du contenu de votre portefeuille.

Etude de 3 produits phares de ce marché : les produits alimentaires « minceur », les régimes et les cosmétiques amincissantes.

 

Les produits alimentaires : on vous prend pour des jambons

Si vous avez déjà mis les pieds dans un supermarché, vous connaissez le fameux rayon « produits minceur ». A côté des tisanes « détox », « minceur » et « ventre plat » (de fausses allégations, aucune tisane, aussi saine soit-elle, n’ayant le pouvoir de faire maigrir), on y trouve de nombreux produits censés vous faire perdre du poids.

Première duperie : la plupart de ces produits sont placés juste à côté du rayon bio au supermarché, ce qui peut laisser penser qu’ils sont plus sains que les autres et/ou dotés d’une composition impeccable. Et pourtant : ce n’est pas le cas. Prenons un exemple avec les barres chocolatées de la marque Gerlinéa.

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Cette barre ne vous veut PAS du bien

La barre encas framboise-chocolat, qui cherche à se faire passer pour un produit minceur (« équilibrer sa pause », clame l’emballage sur lequel une femme sourit rêveusement), est composée des ingrédients suivants :

Chocolat noir de couverture 20% (pâte de cacao, sucre, beurre de cacao, matière grasse de lait, émulsifiant : lécithines de soja, arôme naturel de vanille), sirop de fructooligosaccharides, polydextrose, protéines de soja (émulsifiant : lécithines de soja), gluten de blé, stabilisant : glycérol d’origine végétale, fructooligosaccharides en poudre, stabilisant : sorbitols, fructose, sucre, cranberries 1,4% (soit 4.1% en équivalent fruit), amidon de maïs, framboises déshydratées 0,6% (soit 5,7% en équivalent fruit), acidifiant : acide citrique, arôme, colorant : carmins (gélatine de poisson), vitamine C, amidon de blé.

Miam, miam les bons ingrédients qui font maigrir ! Du sucre et une foule d’additifs : voilà tout ce que vous allez ingérer en voulant rééquilibrer votre pause.

A côté, les barres repas fourrées pomme-myrtille promettent quant à elles un « repas équilibré et savoureux ». Mais si l’on regarde la composition, on tombe de sa chaise :

Sucre, farine de blé , sirop de glucose-fructose, purée de pommes 12,1%, gluten de blé, purée de myrtilles 7,7%, huile de colza, protéines de soja , protéines de blé, protéines de pois, stabilisant : glycérol, minéraux (potassium, calcium, magnésium, zinc, fer, cuivre, manganèse, iode, sélénium), , amidon de tapioca, acidifiant : acide citrique, jus concentré de citron, arômes naturels, gélifiant : pectines, levure désactivée, cannelle, vitamines A, B1, B2, B5, B6, B9, B12, C, D, H, PP et E ( lactose , protéines de lait ), sel, poudre à lever : carbonates de sodium, correcteur d’acidité : citrates de calcium.

Le sucre figure en premier dans la (longue) liste des ingrédients, et les additifs se succèdent dangereusement. Or, savez-vous que le sucre, en plus d’être nocif pour l’organisme… fait grossir ?

Peut-être aura t-on plus de chance avec les « repas minceur complets » (des crèmes au chocolat), alors ? Non plus : une liste d’ingrédients transformés longue comme le bras, dont plusieurs additifs suspectés de perturber l’équilibre de la flore intestinale et le développement du diabète. De quoi mettre à mal l’argumentaire de la marque : « Depuis plus de 25 ans, Gerlinéa prend soin de la silhouette des femmes » (il leur soutire surtout beaucoup d’argent pour leur vendre des produits bourrés de cochonneries)…

Allons maintenant voir du côté des yaourts, produits estampillés « femme » et « minceur » par excellence (on connaît toutes ces fameuses pubs qui mettent en scène des femmes au bord de l’orgasme après avoir avalé une pauvre cuillerée de yaourt nature). L’une des marques les plus emblématiques du marché est Taillefine, du groupe Danone. Peu de chances que vous gardiez la taille fine si vous en consommez régulièrement, étant donné le nombre d’additifs que ces yaourts contiennent. Quant aux yaourts Activia à la cerise, malgré leur belle image « minceur » et la mention « bifidus » sur l’emballage, ils contiennent surtout du sucre, du lait écrémé concentré ou en poudre de provenance inconnue et des additifs…

Mais la palme de la plus grosse carotte revient à la marque Perle de Lait de Yoplait, qui joue sur une imagerie éthérée et « féminine » pour nous refourguer des yaourts que l’on pourrait croire sains et légers mais regorgent en réalité d’additifs industriels. La composition des yaourts saveur vanille est la suivante :

Lait écrémé – Crème – Sucre 9.5% – Eau – Amidon transformé de riz et de manioc – Poudre de Lait écrémé – Aromes – Correcteurs d’acidité : Acide citrique, citrates de sodium – Gousses de vanille épuisées – Colorant : Caroténoides – Ferments Lactiques – Décor : Ecorces de vanille.

Autant dire qu’il vaut mieux être biologiste si l’on veut pouvoir déchiffrer la liste des ingrédients !

Par ailleurs, les yaourts sont loin d’être un produit minceur, a fortiori si on les consomme tous les jours (sans parler des effets nocifs du lait de vache, mais c’est un autre débat). Mais les industriels et le lobby du lait ont su, à coup de campagnes publicitaires habiles, en donner une image de produit sain – voire d’aliment santé.
Quant aux céréales (autres produits transformés que les industriels ont réussi à faire passer pour des aliments santé), les marques ne sont pas plus vertueuses. Je me souviens de la mère d’une amie qui mangeait religieusement un bol de Special K chaque soir, persuadée que cela la ferait maigrir.

Or, malgré leur image d’aliment minceur, les Special K apportent autant de calories… que les céréales Frosties ! Quant au taux de graisses saturées, il est 5 fois plus élevé dans les Special K que dans les Frosties pour une même portion. Ces céréales, très transformées, sont par ailleurs très riches en sucres.

Pour perdre du poids, on repassera…

 

Des régimes pour les quiches

A l’approche de l’été, impossible d’ouvrir un magazine féminin sans tomber sur un article qui vante le nouveau régime à la mode. Qu’il s’agisse de se nourrir exclusivement de légumes crus ou de ne boire que des jus soi-disant « détox » pendant une semaine (vos toilettes vont adorer…), la promesse est toujours la même : perdre du poids, affiner sa silhouette, et pouvoir ainsi affronter dignement la sacro-sainte épreuve du maillot de bain.

Ainsi, « faire un régime » (l’hiver, pour perdre les kilos post-bûche aux marrons, et l’été, pour afficher sur la plage un corps conforme aux standards de la beauté) est devenu l’une des injonctions esthétiques les plus communes. Manger n’est plus un besoin naturel et un plaisir nécessaire mais un danger vecteur d’angoisse, auquel il convient de remédier en se privant. Et le corps n’est plus un véhicule qu’il convient de chérir, mais un ennemi à qui il faut faire la guerre.

A chaque saison, donc, son nouveau régime plus ou moins farfelu. C’est que le marché de la minceur rapporte gros – sans mauvais jeu de mot…

Une des nouveautés de l’industrie des régimes est la « box minceur », qui consiste à recevoir chez soi des plats déjà préparés. Vous connaissez sans doute Comme j’aime, l’une des marques phares.

 

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Chez Comme j’aime, le programme coûte 500 euros par mois, soit presque un demi-SMIC. Les repas – principalement cuisinés au micro-ondes – sont composés de produits ultra-transformés [soupes lyophilisées, entremets en poudre, barres protéinées, compotes…]. « Même les céréales ou les pâtes ne sont pas complètes, c’est vraiment une aberration et cela va contre tous les principes d’une alimentation saine », indique Nicolas Guggenbühl, diététicien-nutritionniste interrogé dans le cadre d’une « enquête » publiée sur le site belge RTBF. Le journaliste-cobaye a d’ailleurs vu son taux de fer s’effondrer, conduisant son médecin à lui demander d’arrêter son régime rapidement.

Une autre journaliste de l’Est Républicain, qui a également testé ce régime, s’est aperçue que les plats Comme j’aime sortaient des mêmes usines où sont préparés les plats tout faits qu’on trouve en supermarché, et qui sont tout sauf « sains et naturels ».

Par ailleurs, il est bien difficile de ne pas reprendre de poids à la fin du programme, celui-ci ne permettant pas d’adopter de nouveaux réflexes alimentaires. L’éducation à la nourriture saine ne se fait pas avec des plats tout prêts à réchauffer au micro-ondes… Quant au prix, il est ridiculement élevé : quitte à dépenser 500 euros de nourriture dans le mois, autant acheter des produits de qualité, frais et bio, et apprendre à cuisiner soi-même !
En somme : une belle arnaque.

Mais hélas, il n’y a pas que les régimes : il y a aussi les gélules coupe-faim, ou « brûle-graisse ». On pense par exemple aux gélules de la marque Anaca3 et à son marketing agressif. Sur Internet, la grande majorité des commentaires client s’accordent cependant sur son inefficacité. « Je n’ai pas perdu 1 seul kilo », écrivent de nombreuses clientes, tandis que d’autres rapportent des effets indésirables allant des fuites urinaires aux douleurs musculaires…

En effet, les produits dits « amaigrissants » sont rarement efficaces et comportent souvent des effets secondaires. « Il n’existe aucun produit miracle. Aucune des méthodes généralement proposées pour faire perdre du poids ne peut se vanter d’obtenir un amaigrissement significatif et surtout durable », souligne ainsi l’Agence du médicament dans un rapport publié en 2015. Certains produits vendus sur Internet seraient même carrément dangereux, en ce qu’ils peuvent contenir des substances interdites ou toxiques (comme la sibutramine, qui augmente le risque d’accident cardiaque, les laxatifs ou certains métaux lourds).

Vous pouvez garder vos précieux euros, car les régimes font grossir. 75 % des personnes qui désirent perdre du poids y réussissent dans les premiers mois, mais 80 à 95 % auront tout repris, voire plus, quelques années plus tard.

Lorsqu’une perte de poids est déclenchée par une restriction alimentaire importante, le métabolisme de base (consommation d’énergie nécessaire au bon fonctionnement du corps) diminue automatiquement. Ayant besoin de nourriture pour vivre, le corps déclenche son mécanisme de survie en cas de privations. Lorsque le régime est fini, il va chercher à refaire le plein de réserves adipeuses pour se protéger d’une éventuelle famine. Ou, comme l’explique simplement le docteur Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille : « L’organisme met en place des mécanismes pour récupérer ce dont il a été privé. »

Ainsi, les régimes sont au mieux inefficaces, au pire nocifs. Méthode Atkins, régime Dukan, cure de « jus », mono-diète de pommes, cure protéinée en sachets, régime « soupe au chou », régime hyper-protéiné… non seulement ils peuvent entraîner carences, fatigue, réduction de masse osseuse, hausse du risque de fracture, mais ils assurent aussi… une reprise de poids quasi-certaine dès la fin du régime ! Un rapport de l’Agence de sécurité sanitaire alimentation, environnement et travail (Anses), publié en 2010, apporte confirmation de la nocivité de ces régimes.

 

Les cosmétiques minceur : à prendre par-dessus la jambe

Gels minceur, crèmes anti-cellulite, compléments alimentaires « brûleurs de graisse », wraps minceur… Les industriels redoublent d’imagination pour mettre sur le marché des produits cosmétiques censés aider à (re)trouver une silhouette svelte. « Réduit le tour de taille jusqu’à 2,6 cm en 2 semaines ! », « Résultats visibles en seulement 7 nuits »… Mais peut-on vraiment maigrir avec une simple crème pour le corps ?

En 2018, l’association UFC – Que choisir a testé neuf produits de neuf marques différentes en laboratoire.

Le résultat est sans appel : « Les crèmes ne sont pas efficaces », et « la solution pour lutter contre la cellulite ne passe pas par la case cosmétique » (on s’en doutait un peu…). Ces crèmes n’ont de toute évidence qu’un effet placebo, qui ne justifie pas leur coût. L’association belge Test-achats qui a testé six produits anti-cellulite, est arrivée à la même conclusion.

« Il n’y a pas de solutions miracles pour se débarrasser de la cellulite. La seule façon de maigrir, c’est d’agir sur les cellules graisseuses et le seul principe actif qui agit dans ce domaine – et sur lequel nous avons un niveau de preuves scientifiques élevé – c’est la caféine. Toutefois, il faut être réaliste, en général, un tube de 90 ml n’en contient que 3% », explique ainsi le médecin phlébologue Philippe Blanchemaison. Quid des crèmes « ventre plat » ?

« Là, nous ne sommes plus dans le domaine du bon sens. Comment peut-on imaginer avoir un ventre plat sous la seule influence d’une crème amincissante ? Les fabricants de cosmétiques tapent fort dans leurs intitulés car aucun texte de lois ne l’interdit. Ce n’est donc pas malhonnête mais dans les faits, pour perdre du ventre, il faut arrêter de manger des aliments riches en graisses et en sucres, un point c’est tout. »

Quant aux intitulés riches en promesses des fabricants, du type « Efficacité cliniquement prouvée », « cela n’a bien évidemment rien à voir avec une étude clinique », poursuit-il. « C’est juste un interrogatoire, et en général les volontaires sont déjà séduites par la marque qu’elles testent, donc elles disent que ça marche. En plus, elles repartent avec de nombreux échantillons. Résultat : tout ça est biaisé. »

 

Conclusion

Les industriels jouent sur les complexes des femmes et la tyrannie de la minceur pour mettre sur le marché des produits qui n’ont rien de sain, et encore moins « d’amincissant ». Ne nous leurrons pas : ils n’ont aucun intérêt à proposer des produits efficaces (cela permet ainsi de lancer régulièrement des nouveautés), ni à ce que les femmes aient confiance en elles et en leur beauté.

Les magazines féminins ont aussi un rôle important à jouer. Eux qui se font pourtant – non sans opportunisme – l’écho d’une « libération des femmes » ne cessent de relayer les nouveautés du marché de la minceur, nourrissant ainsi sa voracité, tout en enjoignant les femmes à « perdre quelques kilos pour se sentir mieux », « tonifier leurs abdos », « garder un ventre plat » et « raffermir leurs fesses ». Ils agissent ainsi comme les sbires de l’industrie de la beauté, qui ne peut prospérer qu’en construisant et en exploitant les fêlures des femmes. Maintenir les femmes dans une position vulnérable, où elles ne sont jamais « assez » (jamais assez minces, jamais assez fermes, jamais assez conformes ni assez désirables), permet ainsi de continuer à faire vivre le gigantesque marché de la minceur, avec son imagerie faussement glamour et ses promesses galvaudées.

Et à l’ère des réseaux sociaux, résister à cette pression est encore plus difficile. Si l’on peut aisément se passer de la lecture de Cosmopolitan, le culte du corps mis sur exergue sur Instagram aura tôt fait de nous rattraper : comment, alors, faire preuve de bienveillance envers soi-même lorsqu’on est entouré.es de photos de corps minces, huilés et impossiblement lisses ?

Il y a quelques semaines, une étude IFOP pour Naturavox (un site dédié… à la perte de poids) démontrait que seules 22% des Françaises se trouvent jolies.

« Ce sondage réalisé par l’Ifop nous montre, et ce n’est pas une surprise, que les femmes subissent encore et toujours une pression sociétale. La faible estime de soi des femmes est la conséquence des diktats et des stéréotypes de la beauté de nos jours », peut-on lire sur Naturavox. Assez ironique, sachant que ce site profite (dans tous les sens du terme) des injonctions à la beauté et des insécurités qu’elles engendrent chez les femmes. Autrement dit, il n’a aucun intérêt à ce que leur estime de soi se renforce…

Pour conclure, faut-il rappeler cette évidence ? Bannir – ou tout du moins limiter – les produits industriels, cuisiner soi-même au maximum, introduire plus de fruits et légumes dans son alimentation et avoir une activité physique régulière reste le seul moyen de rester en bonne santé et de rééquilibrer sa silhouette.

On ne mincit pas avec des barres Gerlinéa, ni avec des gélules coupe-faim : en revanche, et c’est bien le seul résultat garanti, on allège inutilement son porte-monnaie…

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Il faut sourire pour être belle

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@Trophy Wife Barbie ©
Souris !
Alors, on a perdu son sourire ?
Tu serais tellement plus jolie si tu souriais…

Quelle femme n’a jamais fait les frais de cette fameuse injonction à sourire, qu’elle émane d’un.e proche ou d’un.e inconnu.e ?

En tant qu’individus de sexe féminin, notre fonction première est esthétique. Nous devons être décoratives, avenantes, d’un abord agréable. Nous devons occuper l’espace avec grâce et harmonie, à la manière d’un philodendron astucieusement placé dans un coin de la salle à manger.

Au départ, personne n’attend de nous que nous fassions de grandes choses ; que nous nous réalisions par le travail, la passion, l’aventure ; que nous nous consacrions d’abord à nous-mêmes, à nos vies, à nos désirs et à nos ambitions. Personne n’attend de nous des réalisations, des opinions, des œuvres, des réflexions, des colères, des positions tenues fermement.

Nous naissons avec la lourde tâche de plaire, non pas à nous-mêmes mais aux autres – c’est-à-dire les hommes.

Et les hommes ne nous veulent pas seulement souriantes. Le sourire n’est pas une fin en soi, mais un moyen ; un symbole de la soumission, de l’obéissance et de la politesse servile qui est attendue de nous. Il est aussi, plus encore, un gage d’innocuité. L’assurance que nous resterons bien à « notre » place, sans causer de vagues ni brandir aucune revendication.

Quel signe d’obédience est en effet plus fort qu’un sourire, accroché aux lèvres en toutes circonstances, même lorsque la douleur et la colère sourdent ?

*

Le sourire des femmes se serait popularisé à la fin du 19ème siècle, lors de l’avènement de la publicité. Il était alors utilisé pour présenter et valoriser les produits, constituant ainsi un nouvel argument de vente. Avant cela, le sourire féminin était considéré comme suspicieux, voire immoral  – particulièrement lorsqu’il s’affichait dans l’espace public.

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Depuis, les sphères de la publicité, des médias et de la culture continuent gaiement sur cette lancée, en cantonnant les femmes à un rôle de bibelot destiné à égayer le paysage, et distraire un regard masculin conçu comme unité de mesure universelle.   

Mais les femmes ne doivent pas seulement être plaisantes à regarder : elles doivent aussi être accortes, serviables, dociles. On pense aux hôtesses d’accueil, déployées dans les entreprises, les salons et autres raouts médiatiques pour accueillir le visiteur avec un sourire décoratif. On pense également aux intelligences artificielles, qui sont la plupart du temps genrées au féminin. De Cortana (Microsoft) à Alexa (Amazon), en passant par le GPS programmé avec une voix féminine par défaut, les assistants vocaux renforcent les stéréotypes de genre en associant automatiquement le féminin à l’assistanat. Pensés et programmés par des ingénieurs, ces robots genrés sont la transcription matérielle du droit que les hommes pensent détenir sur les femmes : celui d’être assisté, bichonné et diverti par elles.

*

Dans la « vraie vie », l’injonction à sourire nous dépouille pernicieusement de notre droit à être une personne à part entière, avec une humeur variable et des émotions propres. Elle nous contraint à délégitimer et mettre à distance nos sentiments, puisque nous ne serions de toute façon pas importantes – moins, en tout cas, que le bien-être et la satisfaction d’autrui.

Mais elle met aussi en exergue, peut-être plus encore que d’autres injonctions sexistes, la façon dont les femmes sont (encore) considérées.

Lorsque certains hommes se permettent d’exiger que de totales inconnues (ou même des proches) leur sourient, ils les réduisent au statut de biens publics, manœuvrables à loisir et disponibles pour le tout-venant. Elles ne sont pas des personnes à part entière, mais des objets ayant pour fonction première de divertir, enjoliver, décorer.

Imaginerait-on un homme se faire interpeller par un.e illustre inconnu.e pendant sa balade du dimanche, pour le sommer de « faire un p’tit sourire » ? Ce scénario paraît presque relever de la science-fiction, car personne n’attend des hommes qu’ils se montrent disponibles pour répondre aux exigences du premier péquenaud croisé dans la rue, ni qu’ils décorent agréablement l’espace.

En sommant les femmes de sourire, les hommes expriment publiquement le droit qu’ils pensent détenir sur le corps de celles-ci. Le corps : celui de toutes et de personne à la fois, une chose publique indifférenciée.

En réalité, l’injonction à sourire est une forme de contrôle social de la féminité, au même titre que ces artefacts esthétiques que sont le maquillage, les talons hauts ou les soutiens-gorges. Ce n’est pas un hasard si la poupée Barbie affiche un sourire XXL en toutes circonstances. Ni si les magazines féminins publient régulièrement des articles dans lesquels on peut lire que « le sourire, c’est l’accessoire le plus important ! » – assimilant ainsi une manifestation humaine de joie ou de bien-être à un sac à main en cuir souple. Enfin, ce n’est pas non plus un hasard si la publicité montre en permanence des femmes au bord de l’orgasme, confites dans une béatitude presque idiote, même lorsqu’elles ne font que manger un yaourt ou programmer une machine.

Le message sous-jacent est clair : sois belle et tais-toi.  

*

Il y a donc deux volets à cette problématique : l’injonction à sourire en tant que telle, mais aussi l’injonction plus globale à être agréable, accorte, divertissante. Prendre en charge, arrondir les angles, apaiser, soulager, adoucir, décorer, enjoliver. Prouver que l’on vient en paix, qu’on est par conséquent inoffensive, obéissante, dépourvue de griefs, de pouvoir, de colère. De toutes ces choses dont la société ne sait jamais que faire lorsqu’elles émanent des femmes.

Les métiers de service, souvent occupés par des femmes (hôtesses d’accueil, serveuse, opératrice en centre d’appel, hôtesse de l’air…) sont particulièrement touchés par l’injonction à afficher un sourire en toutes circonstances. La sociologue Arlie Hochschild a ainsi théorisé le concept de « charge émotionnelle », en étudiant les domaines professionnels dans lesquels les salarié.e.s doivent réprimer ou moduler leurs émotions pour favoriser le bien-être de leurs client.e.s.

Sur ce sujet, une étude américaine récente a d’ailleurs montré un lien entre consommation d’alcool et métiers nécessitant d’afficher un visage jovial en toutes circonstances. Selon cette étude, les personnes travaillant au contact du public – et devant passer une partie non négligeable de leur temps à sourire – consomment plus d’alcool que les autres, et ressentent plus le besoin de boire un verre ou plusieurs à la sortie du travail. En cause, notamment, le stress induit par le fait de devoir réprimer ses émotions et de porter un « masque » au travail.

Cette charge émotionnelle se retrouve aussi dans le couple, lorsque les femmes prennent en charge le bien-être physique et mental de leur partenaire… au détriment du leur.

Mais les injonctions à sourire et à être agréable ne touchent pas que les métiers de service. Quel que soit le poste qu’elles occupent, nous attendons de toutes les femmes qu’elles se montrent attentives, souriantes et pleines de sollicitude. Politiques, vendeuses,  artistes, dirigeantes ou employées de bureau, les femmes sont perpétuellement sommées d’afficher un visage affable, qu’importe que les circonstances s’y prêtent ou non : et si elles échouent à se conformer à ce code de la « bonne » féminité, les sanctions sociales ne tardent pas à tomber. 

Jennifer Pierce, une sociologue américaine, a ainsi démontré dans une étude que s’il est attendu des avocats qu’ils se montrent « dominants » et « agressifs », les avocates tendent à être pénalisées si elles adoptent le même comportement que leurs homologues masculins.

En somme, nous ne tolérons pas que les femmes sortent de ce carcan de la féminité traditionnelle fait de politesse, de charme et d’aménité, ni qu’elles transgressent le rôle de genre qui leur a été dévolu à la naissance. Les doubles standards de la beauté nous le montrent bien : une femme, c’est fait pour être joli et accommodant, pas pour afficher des opinions fortes et des émotions propres.

Elle est sommée de paraître pour le bon plaisir et le divertissement des autres, mais sa liberté d’être passe en second.

À côté, les hommes ont toute latitude pour être qui ils veulent, dans les conditions qu’ils veulent, et cela inclut notamment de ressentir des émotions négatives, d’opposer au monde un visage neutre, ou tout simplement de faire la gueule.

« Les femmes, qui doivent se montrer polies à la fois dans leurs actes et dans leurs paroles, sont enjointes plus que les hommes à sourire. Quand elle écoute quelqu’un, une femme hochera souvent la tête en souriant pour exprimer son attention. Si elle ne sourit pas, elle pourra être perçue comme étant « en colère » explique ainsi l’historienne américaine Londa Schiebinger.

Dans un article du magazine Bustle, une femme témoigne de la mésaventure qu’elle a vécue à l’aéroport. Alors qu’elle venait d’écourter un voyage suite au décès de sa grand-mère, elle demande de l’aide à un agent… qui lui répond : « d’abord, vous devez me faire un sourire ».

« Je venais de prendre un vol de dernière minute, je voyageais depuis dieu sait combien de temps à ce moment-là, je voulais simplement me rendre à mon prochain vol sans me mettre à pleurer en public, et ce connard a exigé que je lui fasse un sourire avant même de répondre à ma question. […] Alors je lui ai fait un putain de sourire et j’ai pleuré dans le métro, parce que j’étais humiliée et en colère. J’avais des marques et des poches bien visibles sous les yeux après avoir passé des jours à pleurer, mais la seule chose dont se souciait cet homme, c’était que je ne lui avais pas demandé de l’aide assez gracieusement à son goût ». 

Personnellement, je ne compte plus les fois où l’on m’a demandé de sourire – fait intéressant, la requête provenait aussi bien d’hommes que de femmes (jamais les dernières quand il s’agit de sexisme intériorisé). Quand j’étais enfant, mon visage neutre n’était apparemment pas assez conforme à ce qu’on attend d’une petite fille – se montrer exquise, sémillante, perpétuellement rieuse – puisque j’étais très régulièrement rappelée à l’ordre… Jusqu’à ce que mon deuxième prénom devienne presque « Souris ». N’ayant pas conscience de la dimension sexiste de la chose, il m’arrivait de m’exécuter à contrecœur. Mais au fond de moi, je trouvais tout de même étrange que des personnes que je ne connaissais pas plus que ça puissent se permettre d’exiger de moi quelque chose d’aussi intime, subjectif et personnel qu’un sourire. Depuis que je suis adulte, ce genre de sommation s’est considérablement raréfié – bien qu’elle n’ait pas, rassurez-vous, totalement disparue. De là à établir un lien entre la malléabilité inhérente à l’enfance et l’exercice décomplexé du sexisme qu’elle permet, il n’y a qu’un pas… que je franchirais allégrement.

Et puisqu’on y est, le saviez-vous ? Marcher dans la rue, acheter des tampons au supermarché du coin ou manger une salade – aussi goûteuse soit-elle – ne sont pas des situations qui provoquent spontanément le sourire humain.

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Quoi qu’en dise ce genre de publicité débile.

Non, nous ne vous ferons pas un grand ni un petit sourire et non, vous ne demanderiez jamais la même chose à un homme.

Ce n’est pas un secret que le sexisme se cristallise largement sur le corps des femmes. En exigeant d’elles qu’elles se comportent en permanence comme des androïdes souriants,  on leur dénie le droit à la colère, aux émotions, à la liberté de disposer de soi-même. 

Le droit de faire la gueule, d’être moche, énervée, fatiguée, ou tout simplement de ne rien ressentir de spécial.

Le droit d’être une personne à part entière, dotée d’une autonomie et d’une volonté propres.

*

Votre sourire n’appartient qu’à vous : vous ne le devez à personne, que l’individu qui pense pouvoir l’exiger de vous soit un.e proche ou bien un.e illustre inconnu.e. Sachez que la seule réponse qu’amène un « souris ! » arbitraire, qui n’est rien de plus qu’une injonction sexiste à remplir convenablement votre rôle de femme, est un simple regard vide pouvant aisément se traduire par « je t’emmerde ».

Quant à vous, les mecs, sachez que la femme à laquelle vous tentez d’extorquer un sourire ne vous doit rien, si ce n’est la plus belle des indifférences.

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Droit à l’IVG : Indignons-nous !

 

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Une journée ordinaire au cœur du patriarcat.

Mardi 12 mars, le Syngof, 1er syndicat des gynécologues obstétricien-nes en France, a appelé dans un email adressé à ses 1600 membres à une grève des interruptions volontaires de grossesse : « Préparez-vous à ce que le syndicat vous donne l’ordre d’arrêter les IVG si la ministre de la Santé refuse de nous recevoir ».

La raison de ce chantage : des revendications liées au plafonnement des garanties du FAPDS (Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé), une assurance professionnelle qui sert à indemniser les patient.es en cas de préjudice grave.

Si ce n’était pas si tragique, on aurait presque pu croire à une farce.

Dans quel monde des professionnels de santé dotés d’obligations éthiques et déontologiques, ainsi que d’un devoir de représentation, peuvent-ils se penser légitimes à bafouer le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes pour faire entendre leurs petites revendications ? Quelques jours après la Journée internationale des droits des femmes, la moitié de la population française se voit donc prendre en otage par un syndicat composé de médecins dont l’activité première consiste à soigner et aider les femmes. Quelle douce ironie.

Passons sur le fait que ce syndicat soit composé pour majorité d’hommes, ce qui est à peu près aussi ridicule que si une majorité de femmes dirigeaient le syndicat des andrologues (qui n’existe pas, mais c’est une autre histoire), ou décidaient d’ordonner l’arrêt à grande échelle des vasectomies.

Passons également sur le fait que des hommes adultes, et a priori dotés d’une intelligence en bon état de marche, n’aient rien trouvé de mieux que de prendre les femmes pour otages symboliques de leurs doléances, un peu comme si celles-ci n’étaient pas des êtres humains mais des objets à hypothéquer.

Ces propos honteux sous-entendent que l’IVG serait un droit optionnel, accessoire, négligeable. Pas vraiment un droit, d’ailleurs, mais une concession péniblement faite aux femmes, susceptible d’être révoquée par la simple volonté d’autrui.

Ils démontrent également l’absence de considération qu’ont ces médecins pour leurs patientes, et tout le mépris paternaliste, la bêtise, la négligence et le sexisme crasse qui les animent. Rappelons que l’actuel président du Syngof, Bertrand de Rochambeau, s’était illustré pour ses propos anti-IVG (qu’il comparait avec force nuance à un homicide) au micro de Quotidien en septembre dernier.

Qu’est-ce qui ne va pas avec cette bande de guignols pour qu’ils trouvent normal de brandir avec désinvolture la menace d’un arrêt des IVG, un peu comme on menacerait de priver de dessert un enfant récalcitrant ? Nous ne parlons pas seulement d’un acte médical ordinaire, quoique cela serait suffisant pour s’indigner : nous parlons aussi et surtout d’un droit fondamental.

« Si on ne fait pas des menaces qui inquiètent la société, nous ne sommes pas entendus », s’est défendu Jean Marty, ancien président du Syngof, à France Info.

Alors OK mon gars, mais les droits des femmes ne sont pas un épouvantail que l’on agite en tapant du pied quand on veut être « entendu ». De par ta profession, tu devrais en avoir conscience mieux que quiconque. Aux dernières nouvelles, tu es un foutu professionnel de santé doté de responsabilités importantes, pas un gamin de 5 ans qui menace de piquer une crise quand il n’est pas content.

Pour information, sache que le corps des femmes n’est pas et ne sera jamais un support aux revendications politiques d’autrui. On ne peut pas faire grève en privant un groupe de personnes d’un droit fondamental dont elles ont la pleine jouissance : dans ton monde malade, c’est peut-être une possibilité attrayante, mais cela n’existe pas dans un Etat de droit comme le nôtre. Et puis enfin, menace-t-on d’émasculer les hommes à la scie sauteuse pour faire entendre nos revendications féministes ? Je ne crois pas.

Pour rappel, une femme meurt toutes les 9 minutes d’un avortement clandestin dans le monde. Cet appel à la grève des interruptions volontaires de grossesse est donc particulièrement malvenu, en plus d’être illégal. En France, le droit à l’avortement existe depuis 1975 : il est le fruit d’une histoire difficile et d’une lutte de longue haleine. Même entériné par la loi, il est hélas régulièrement menacé et remis en question. Et c’est précisément la raison pour laquelle le Syngof s’est cru légitime à pouvoir appeler ses adhérent.e.s à une « grève » des IVG. S’il est rentré dans la loi, ce droit n’est (toujours) pas rentré dans les mœurs. En témoigne la stigmatisation dont font l’objet les femmes qui y ont recours, même lorsqu’elles sont sûres de leur choix, même lorsqu’elles le vivent tout à fait bien, même lorsqu’elles en ressortent libres et soulagées.

Et qu’importe que le statut professionnel de ces médecins les soumette à certaines obligations déontologiques – dont celle, essentielle, de respecter la volonté des patient.e.s. Les droits des femmes sont si peu importants à leurs yeux qu’ils peuvent clamer haut et fort leur volonté de pratiquer le délit d’entrave à l’IVG de manière organisée, sans en ressentir aucune honte ni gêne.

C’est dire l’estime qu’ils portent à leurs patientes.

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Puisque des professionnel.lle.s de santé peuvent apparemment exercer leur métier à la carte, et selon leurs desiderata, on attend donc avec impatience la grève des transplantations cardiaques, la grève des prises de sang, la grève des IRM et la grève des consultations de médecins généralistes.

Mais… OH, attendez ! Ce pourrait-il que le droit des femmes à disposer de leur propre corps soit le cœur même de cette sinistre affaire ? Pourquoi ne pas avoir plutôt réclamé une grève des frottis ou une grève des accouchements ?

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La réponse est simple : parce que l’IVG est encore et toujours le diable des actes médicaux, et qu’il n’est toujours pas considéré comme un droit « comme les autres », un droit « qui va de soi », mais plutôt comme une largesse concédée aux femmes, soumise à conditions et surtout à la bonne volonté de celui ou celle qui le pratique.

Une ambivalence légitimée par l’existence de la clause de conscience, qui permet aux médecins de refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (tout en contribuant à diaboliser cet acte médical pourtant « ordinaire »). N’y a t-il pas là une contradiction dérangeante ? Un droit fondamental peut-il être révoqué par la seule volonté d’un individu ?

Par ailleurs, si un.e gynécologue répugne à pratiquer des IVG de par ses « convictions », ne devrait-il/elle pas plutôt se diriger vers l’expertise-comptable ? Il paraît qu’on y fait également de très belles carrières.

*

Les mecs – je dis « les mecs » parce qu’il y a apparemment peu de femmes dans votre petit cénacle, ce qui est un peu ironique sachant qu’elles sont les premières concernées… mais vous nous direz quand on sera autorisées à prendre des décisions sur nos propres corps, hein ! –, sachez qu’aucun mot ne pourra jamais exprimer la force et l’intensité de mon mépris. Allez, du balai ! Il est temps que cette médecine de l’ancien monde disparaisse pour laisser enfin place à des professionnel.lle.s de santé dignes et engagé.e.s, qui ont à cœur de soigner et aider les femmes qui en ont besoin, et qui surtout ne voient pas dans leur profession l’opportunité d’occuper une position de pouvoir qui répond à leurs vieux fantasmes merdiques de domination.

Parce qu’il y en a assez.

Assez que les hommes aient la mainmise sur les corps des femmes.

Assez que le droit à l’IVG soit manipulé comme un vulgaire épouvantail. Un droit (durement) acquis n’a pas à être remis en cause, ni soumis à conditions.

Assez que des professionnels de santé décident des tâches qu’ils veulent bien accomplir dans le cadre de leur travail, comme si celui-ci était à la carte.

Assez que les femmes subissent jusque dans leur chair la misogynie crasse et la volonté de domination de certains hommes.

Assez que les décisions qui concernent le corps des femmes soient majoritairement prises par des hommes (âgés et – souvent – réactionnaires, pour ne rien arranger). Cette ingérence est aussi ridicule qu’insupportable.

Assez que les lieux où s’exerce le pouvoir et où se prennent les décisions ne laissent entrer que les femmes au compte-goutte, alors que celles-ci représentent 52% de la population mondiale.

Assez.

A l’heure où j’écris cet article, l’Ordre des médecins a fermement rappelé à l’ordre le Syngof dans un communiqué dénonçant une « contravention claire aux obligations déontologiques » des gynécologues. « Quelles que soient les revendications des médecins adhérents au Syngof quant à leur couverture assurantielle, ils ne sauraient à ce seul motif mettre en difficulté des femmes, en se retirant de soins auxquels la loi leur donne accès », précise-t-il.

La ministre de la santé Agnès Buzyn a quant à elle dénoncé le « caractère inadmissible de ces menaces ».

Et s’il n’est pas question de jeter le discrédit sur toute une profession, je ne saurais que trop vous encourager à consulter des sages-femmes, qui sont, rappelons-le, aptes à s’occuper du suivi gynécologique des femmes en bonne santé (dépistage, frottis, information sur la contraception, etc).

Une militante du Groupe F, Anaïs Leleux, a également conçu un formulaire qui permet d’envoyer un mail automatique enjoignant l’Ordre des médecins à prendre des mesures vis-à-vis des Dr Marty, de Rochambeau et de la Secrétaire générale du syndicat, Elisabeth Paganelli. À vos claviers !